19.07.2024-27.10.2024

Musée d'art et d'histoire
Beaux-Arts, archéologie, arts appliqués

ARCHEOLOGIE DES FLUIDES

Le Musée d’art et d’histoire de Genève (MAH) invite Pascal Rousseau à explorer la mise en relation des objets et leur pouvoir d’emprise sur le regard. L’historien de l’art raconte une histoire de fascination et propose au public de redécouvrir la collection du MAH sous un nouvel éclairage, avec la complicité de l’artiste Tony Oursler et ses archives fascinantes sur les imaginaires visuels de l’hypnotisme.

Qu’est-ce qui nous fascine dans une oeuvre d’art ou un objet quelconque ? Peut-on voyager dans le temps et l’espace qui nous séparent de leur origine plus ou moins lointaine ? Alors que la révolution du métavers et de la réalité augmentée bousculent nos perceptions, ce sont là des questions que se posait déjà celui qui dirigea le musée d’art et d’histoire de Genève de 1922 à 1951, l’archéologue Waldemar Deonna. Cette exposition s’inspire de l’originalité de sa pensée sur le pouvoir des oeuvres, leur capacité à capturer notre attention et à nous transporter, même virtuellement, à travers les époques : les auras et les halos, le magnétisme des objets et les images du passé, l’hypnose du regard et l’extase des sens. C’est une histoire de la fascination qui invite à redécouvrir la collection du MAH sous un nouvel éclairage.

L’exposition se déroule en deux temps. La première section qui regroupe les deux grandes salles palatines, s’appuie sur les recherches de Waldemar Deonna, notamment celles développées dans un article de 1925 intitulé « Les sciences auxiliaires de l’archéologie », dans lequel il revient sur ce qui peut expliquer, en dehors des conventions artistiques et des prouesses stylistiques, le mystère du pouvoir qu’exercent sur nous des objets de provenance, d’époque et de destination toutes différentes. Cherchant à comprendre la force qui agit dans leur charme – ce qu’il appelle poétiquement leur « propriété fluidique » -, il avance une interprétation anthropologique des objets d’art tout à fait innovante pour son époque. Dans les pas de Deonna, cette exposition joue à la fois sur le face-à-face avec ces objets, croisant un sarcophage égyptien et un mur d’icônes qui font échos avec les surfaces matérielles et rutilantes d’objets dorés. Cette expérience nous renvoie au symbolisme des yeux et leur puissance d’emprise rencontrée jusque dans le regard vide d’un portrait de Modigliani dialoguant avec ses sources archaïques. L’extase des sens autorise le transport plus virtuel dans le temps des objets. L’hypnose d’une jeune danseuse que Deonna découvre dans l’ouvrage du genevois Emile Magnin (Art et hypnose, 1907) nous déplace, par l’image, dans la Grèce antique pour retrouver le rythme corporel des origines. L’archéologie n’est pas seulement une science de la redécouverte, elle est aussi une expérience de réanimation. L’image animée n'est pas loin, dans son mode le plus immersif. C’est l’invitation que nous fait, en seconde partie du parcours, l’artiste américain Tony Oursler, un pionnier de la sculpture-vidéo, dans une installation multimédia qui condense, de manière fulgurante, toute l’histoire des imaginaires visuels de l’hypnotisme.

Image
Tony Oursler, State Non_State, 2020
©Courtesy of the artist