09.19.2019-12.07.2019

Galerie Anton Meier

FRANKLIN CHOW
mosaïques

Comment former une totalité – la totalité, au sens fort d’un terme qui ne saurait se contenter des demi-mesures – avec des morceaux ? Est-il possible d’associer des modules de manière à obtenir autre chose, et plus, qu’une simple somme ? En matière d’art, la réponse est oui. 2 + 3 + 4 ne donne pas 9 mais 12 ou 100 ou 1000 (ainsi à l’infini).

La combinaison de formes géométriques, le rond, le carré, le rectangle, permet d’obtenir de nouveaux ronds (plus grands), de nouveaux carrés, d’autres rectangles. Des ronds et des rectangles habités de nodosités, de petits tas indéfinis, de moments de la conscience – où de l’inconscient. L’image migre dans l’esprit du spectateur, y trouve un terrain de jeu où la seule loi est l’imaginaire.

Les travaux de Franklin Chow se caractérisent par le goût du peu, en dépit de leur monumentalité (réelle ou suggérée). Le « peu de couleurs » favorise l’insertion du vide, ainsi que de variations et de modulations subtiles. Au sein des espaces dégagés, la ligne, son dynamisme, acquièrent une résonance inouïe – on a le sentiment d’entendre résonner une note, une seule, dans le grand vide.

Le procédé consistant à reprendre – à récupérer d’abord – des chutes de peintures détruites, jadis (on pressent la violence du geste), à les recadrer, comme on recadre des éléments récalcitrants, à les traiter de telle sorte qu’elles livrent, dans un souffle ténu, leur secret le plus intime, résulte d’une tentative de pacification. Il s’agit de tendre la main, de faire la paix avec son ancien moi, exigeant, a priori intraitable, avec le milieu de l’art aussi, qui attend toujours du neuf. Or ce qui est dépassé, répudié même, peut receler des pépites. Il suffit d’opérer un retour sur soi, de se pardonner, et d’admettre, tardivement, la valeur de ce à quoi on avait renoncé. Ou la valeur du renoncement en soi. Renoncer, cet effort se résout en beaucoup de sérénité.

Il arrive qu’un élément détonne, par sa couleur (le « mouton » blanc parmi les « moutons » noirs), sa position dans le groupe, son échec. Donnant un nouveau souffle à l’œuvre, le travail de la mosaïque inclut cette idée de relation entre la partie et le tout. Au lieu de suggérer la dispersion, le fragment s’insère dans un ensemble cohérent. Ou plutôt, il suggère la dispersion tout en évoquant la solidarité. Solitaire, mais solidaire.

Les teintes reviennent, le beige, cette non-couleur redevenue couleur, et quelle couleur, discrète, chaude, évoquant la terre sèche, le jute, et surtout ce bleu sablé, gris et qui semble chaud, ce qui est le comble pour un bleu, où s’émiette un rivage en passe de s’effondrer. Ces teintes nous rappellent que cette peinture qui fait mine de révoquer la peinture, qui invite l’encre, le vernis, le relief et le métal (résille de fil de fer), les réactions de dilution et de réfraction, n’en relève pas moins d’une recherche d’ordre pictural. - Laurence Chauvy

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FRANKLIN CHOW
Sans titre, 2018
Encre, huile, vernis, fil de fer en superposition
Diamètre 150 cm